Et chacun va brancher son radar…
L’Aïkidoka est inscrit dans une bulle de sécurité. Il va apprendre à la confectionner dès les premiers cours. Il s’agit de la maîtrise du MA-AI. Par les tai-sabaki et les premières confrontations sur les tatamis, on en comprend vite l’utilité. Cette notion de distance minimum de sécurité va être inculquée dans les exercices. Nous n”avons pas intuitivement cette notion lorsqu’on n’a jamais eu l’expérience de recevoir un coup (ou, tout au moins une claque) dans sa vie. Ou alors, nous n’avons pas tous la même distance en tête. On le constate lorsque des personnes se parlent. Certains sont très proches de quelques centimètres, d’autres n’osent pas se rapprocher à moins de 4 mètres. Parfois c’est l’éducation qui influence cette précaution ou “non-méfiance”.
Lorsqu’on apprend à conduire, au code de la route, sans avoir encore expérimenté la route, on doit connaitre par coeur, les longueurs de bandes au sol sur route ainsi que les bandes d’arrêt d’urgence comme références aux distances de sécurité. On apprend, on calcule en théorie, on en prend conscience, puis avec des heures, des années de pratique, cela devient insconscient. On aura fait confiance à nos pairs sans avoir expérimenté un téléscopage, carambolage ou accident grave et on s’approprie ce savant calcul. En Aïki, comme en boxe, on fait confiance au prof quand il parle de TE KATANA ou lorsqu’il dit “tiens ta garde! ” ou “remontes ta garde ! “, (sans attendre de se faire crever l’oeil ou se faire casser la mâchoire). Puis la distance est naturellement intégrée. On peut passer en mode automatique pour se consacrer à un autre apprentissage, une autre intégration technique. C’est vraiment comme avec le code de la route… Pour rester dans ce domaine, les policiers motocyclistes sont entrainés à rouler “roues dans roues” à grande vitesse pour la maîtrise de distances extrêmement courtes et la confiance du co-équipier qui précède.
En boxe comme en Judo, la distance est plus courte. Elle est en fonction de la discipline exercée. A l’opposé, en Kendo, en Naginata, et jadis, dans les tournois équestres, l’espace entre les jouteurs est proportionnel à l’arme employée.
En Aïki, c’est la longueur du bras qui déterminera la distance de sécurité ( d’action ou de réaction) idéale. Il s’agit d’une sphère invisible de sécurité. Une sphère, car le bras décrit potentiellement un cercle autours du corps.
Paradoxalement, l’endroit le plus sécurisant lors d’un échange n’est pas l’extrémité de la main mais le coeur d’Uke, son coeur, son centre. Ce sera le but à atteindre afin d’avoir pas moins que le contrôle de son bras, en son lieu et place. Rester systématiquement à la périphérie de la sphère d’Uke certes on ne risquera rien, non… mais seulement dans le cas ou Uke reste statique !!. Dès qu’il sera en mouvement, il faudra alors prendre les choses en main. Et la seule façon de “tuer le poussin dans l’oeuf” sera de s’engager dans cette bulle pour la contrôler dans l’immédiateté. > voir nos page “Le MA AI” et le “DE AI” [rubrique COACH]
Il est donc nécessaire de connaître sa distance idéale en fonction de notre morphologie. La notion de capacité d’agir et de réagir est également importante. A force d’entrainement, on va s’approprier ce fameux “radar anti-collision” propre aux avions modernes. Cette image colle parfaitement car le radar offre l’information au pilote (le cerveau) de façon automatique, non consciente dès lors qu’il est branché. Une pratique sérieuse et assidue va passer cette notion en mode “réflexe”, donc insconsciente. Comme dans toute pratique, lorsqu’il passe dans l’inconscient, le gain en temps de réaction est évident. On dit qu’il ne passe plus par l’analyse mentale par le cerveau donc mais “par le ventre”, siège de l’action spontannée. C’est un conditionnement vital dans la pratique de chacun des différents arts de combats.
La magie de l’Aïkido permet d’avoir un radar toujours opérationnel même en dehors des Dôjôs. Un clignotant ou une sonnerie interne nous avertira alors que “ce type” qui s’approche de moi et tente de franchir ma distance de sécurité, peut potentiellement m’atteindre d’une claque, d’un coup de tête ou de genou.
Parfois, on demande si l’Âïkido est efficace. Son efficacité est majoritairement ici, dans la maîtrise de ce système de défense passive. C’est un cadeau que nous fait l’Aïkido de pouvoir s’octroyer ce système à vie.
> Bonne nouvelle, ce système est silencieux: point de bruyants “bip-bip” , et les tatamis ne sont pas pollués par
une constellation de signaux lumineux parasites lorsque les “jets et autres boeings” se rencontrent.
PB