Entrer dans une cabine d’ essayage et tester. L’essayer, c’est l’adopter…
Dès qu’on pratique l’Aïkido, on pénètre dans un espace spécial, différent… et en même temps, ce temps et cet espace sont tellement empreints d’Humanité qu’ils révèlent toutes les caractéristiques de notre quotidien, à la fois « problématiques, ressources », joies et difficultés, réussites, découvertes, frustrations, plaisirs, douleurs…
Comme le disait justement un de nos élèves, l’Aïkido est une véritable « auberge espagnole ». On y trouve ce que l’on vient y chercher, tout en pouvant apporter ce qu’on a déjà acquis.
Sur le plan physique, une pratique assidue mobilise l’ensemble du corps: articulations, muscles mais aussi cardio-respiratoire, ligamentaire, viscéral… Un engagement dans la Voie apporte un maintien abdominal, une posture tonique et alerte, puissance et tonicité, souplesse articulaire, fluidité des mouvements, le placement du regard, la notion d’économie et des gestes strictement utiles en excluant les gestes parasites énergivores.
Sur le plan psychique, l’engagement, le courage, la franchise, la bienveillance, l’observation, la philosophie et l’esprit de non violence à tout prix.
Durant un entraînement, on entre dans espace en dehors du temps. Le pratiquant revêt le keikogi blanc, couleur de la dernière tenue du défunt au Japon, un peu comme si il était prêt à mourir. Tout comme au réveil, chaque jour du samuraï qui se lève comme si c’était son dernier jour… Etre prêt pour sa mort rend serein, et donne envie de profiter de chaque seconde. Détaché des remords du passé, sans peur du futur, vivant totalement dans le présent, tel un moine zen.
Sur le tatami, dans le dôjô, tout est respect, calme, refus de tout superflu. Tout est prêt pour favoriser le travail sur soi, la recherche d’améliorations…
En fait, ce milieu est l’idéal pour une introspection, un grand nettoyage, un «arrêt au stand» en plein dans une société de doutes, d’irrespect, de violence, d’égoïsme, d’élitisme… et on peut en rajouter sur la liste.
Dans le dôjô, on va aussi, durant le temps d’entraînement, entrer dans d’autres peaux. Celle de quelqu’un contraint de se concentrer, se focaliser sur une seule et même chose, « ici & maintenant diraient encore ces moines zen, sauver sa vie, et construire l’harmonie avec comme graine, comme étincelle une attaque, un coup, une agression. Cette attaque, c’est un peu comme une question qui nous est posée et qui se renouvelle différemment ou de façon récurrente.
A nous de trouver la réponse adéquate, dénuée alors de toute agressivité. On va être capable de voir cette question comme si on pouvait visualiser un rayon d’NRJ. L’aïkidoka devra alors accueillir, diriger, conduire cette force qui devra retourner dans la Nature…
C’est prendre le rôle d’un samuraï, un guerrier autant implacable que délicat, capable de trouver le geste déterminant au moment juste. Un technicien philosophe contraint par des règles strictes, des principes codifiés qui, après de longs entraînements, va permettre de faire émerger la grâce du geste subtile, de l’esquive appropriée, se rapprochant de l’accord parfait tant recherché…
Par delà ses entraînements, l’Aïkidoka qui aurait pu paraître ou être dans la vraie vie quelqu’un de timide, ou trop volubile. Excessif ou timoré, violent ou apathique, égoïste ou transparent, aura alors de nombreuses occasions de changer de peaux, essayer d’autres rôles, prendre de nouveaux aspects, tenter de nouvelles interactions par une pratique variée et assidue.
Pratiquer l’Aïkido, c’est, au moyen de divers scénarios (avec armes, face à plusieurs assaillants ou seul avec un sabre par exemple) pouvoir développer ses qualités propres ou en faire émerger de nouvelles, soigner corriger ou effacer quelques défauts, et se découvrir de nouveaux horizons et belles sensations méconnues jusqu’alors…
C’est comme entrer dans une cabine d’essayage. On va tester un temps une action, une posture, un rôle. L’enfiler dans tout les sens, réajuster, l’adapter, faire du sur mesure… On pourra alors en intégrer le meilleur tout en ayant le pouvoir de rejeter ce qui déplait ou semble inefficace ou inapproprié selon le cas.
L’aïkido va nous ouvrir le champ des possibles. Nous offrir des découvertes et des sensations encore inexplorées, pour peu qu’on fasse l’effort de s’entraîner régulièrement avec pugnacité, courage et humilité.
PB …